« Les opinions ne m’intéressent pas »
Magnifique Christian Bobin ! Je viens de reprendre l’un de ses livres : « La lumière du monde » (voir ce que j’en disais il y a quatre ans dans mon salon littéraire). J’avais besoin de me laver les yeux après la période de campagne électorale. Ses deux premières pages m’ont de nouveau touchée en plein coeur. J’aimerais avoir la beauté de son regard car je sais qu’il change le monde à lui tout seul. Et ce midi, à table au Conseil régional où toute la conversation a consisté à commenter les résultats des élections législatives, j’étais d’autant plus décalée…
Je vous recopie sa première page :
« Il est extrêmement rare de rencontrer quelqu’un, qu’on voie beaucoup de monde ou qu’on soit ce qu’on appelle un solitaire. La plupart des gens rendent très difficile de les rencontrer parce qu’ils ne sont pas vraiment dans leur parole ou parce qu’ils sont sans âme. Je fais toujours à l’autre le crédit de la nouveauté incroyable de son existence, mais ce crédit va s’user si l’autre a gâché cette merveille-là pour devenir comme tout le monde. Comment parler avec personne ? C’est impossible. Parfois, le désir de partager est si fort que je vais quand même tenter ma chance, mais c’est souvent en vain : les opinions ne m’intéressent pas. Ce qui me touche, c’est quand l’autre a mis tout le poids de sa vie dans la balance des mots et que sa pensée s’appuie sur ça. Pour ma part, j’ai parfois l’impression d’être totalement incapable d’aimer, et, en même temps, d’aimer plus que personne. Je vois très peu de monde mais je peux être indéfiniment avec l’autre quand il est là. Quand je suis né, on m’a proposé le menu de monde, et il n’y avait rien de comestible. Mais quand l’autre est vraiment avec moi, je peux manger : je bois une gorgée d’air, je mange une cuillerée de lumière. »
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Cela me donne envie de le relire, je me précipite dès ce soir.
Cath (du Mans, souviens toi de La Rochelle)