Geneviève Lebouteux

Notre Dame des Landes : un chemin de conscience

Depuis une dizaine d’années, avec bien d’autres personnes, je suis impliquée dans le dossier de Notre Dame des Landes. D’abord, pour comprendre et me faire une opinion sur l’intérêt ou non d’un nouvel aéroport ; ensuite, pour expliquer pourquoi ce projet n’a ni intérêt, ni sens et met en péril des terres agricoles avec leurs actifs, leurs populations, saccage la biodiversité, plombe les finances publiques, etc.

Une façon parmi d’autres de résumer ce parcours : un chemin de conscience. Et partagé par de plus en plus de monde !

Tout d’abord Conscience que nous avons changé d’époque et que nous continuons à en changer. Nous ne pouvons plus estimer que demain sera comme hier et que nous sommes sur un chemin de progrès indéfectible pour l’Humanité. Nous savons que l’ère de demain est à inventer, avec beaucoup moins de pétrole, beaucoup moins d’énergies fossiles, avec plus de partage et donc plus de sobriété pour nous autres Occidentaux : « vivre tous simplement pour que tous puissent simplement vivre » (Gandhi). Avec la préservation des terres agricoles et naturelles qui nous restent et une économie plus locale… Bref, en optimisant l’existant, en simplifiant et donc, sur le cas présent du projet d’aéroport, puisque l’aéroport actuel convient et conviendra toujours aux besoins du trafic, le conserver, l’améliorer.

Ensuite, Conscience qu’unis nous pouvons énormément. Le travail sur ce dossier nous a réunis d’horizons très variés : agriculteurs, habitants anciens et nouveaux, associatifs, pilotes de ligne, juristes, ingénieurs, écologistes, élus, membres de formations politiques, syndicalistes, musiciens, géographes, économistes, artistes… Chaque étape de nos actions a été un défi, a permis de découvrir des intelligences, talents et compétences extraordinaires chez les uns et les autres, la plupart du temps inconnus des intéressés eux-mêmes jusqu’alors. Chaque étape nous a permis de construire une intelligence collective, si puissante. Une belle leçon pour les autres défis auxquels nous avons à faire face.

Depuis le 11 avril dernier, Conscience qu’on ne se nourrit pas que de nourriture physique, loin de là. Michel, Marcel et Françoise qui sont en grève de la faim nous étonnent par leur résistance. Ils témoignent que le formidable élan de solidarité qui s’est créé autour d’eux les porte. La justesse de leur demande également : que les expropriations et expulsions soient arrêtées tant que toutes les étapes judiciaires ne sont pas terminées, c’est du bon sens. Non loin de chez nous, en Bretagne, une porcherie industrielle a été installée suite à une Déclaration d’Utilité Publique (en dépit de l’avis défavorable à l’unanimité des sept conseils municipaux concernés et de la population), alors que des procédures juridiques étaient en cours. Aujourd’hui, la justice a tranché pour annuler la DUP ! Le bâtiment est là, c’est un gâchis total.
L’amitié, l’amour, la solidarité, la cohérence profonde, le sens de la justice… tout cela nous nourrit énormément. Cela se voit dans les yeux de tous ceux qui entourent mes amis en grève de la faim.

Pour ma part, je sens pointer une prochaine étape : Conscience que ce projet absurde a un sens : celui de nous faire évoluer, individuellement et collectivement. Je l’ai senti en parlant avec un grand nombre de personnes : le pas qu’ont franchi les trois grévistes nous fait tous bouger, positivement. Les relations sont plus profondes, l’énergie très présente. Quand on choisit de voir les événements de la vie comme des outils d’évolution, on peut les accepter et les remercier. Un événement qui est là, c’est en fait du passé, on ne peut faire autrement que de l’accepter. Par contre,  il ne présage pas ce qui va arriver à l’avenir. Lâcher le passé, faire la paix avec lui, est la meilleure façon de pouvoir créer du neuf.

Un jour (bientôt ?) ce projet sera définitivement derrière nous, nous ferons une fête magnifique ! En attendant, chacun de nous, par son attitude et ses évolutions, peut participer à la venue de cette belle réalité à venir.