On reconnaît le degré de civilisation d’un peuple à la manière dont il traite ses animaux
« On reconnaît le degré de civilisation d’un peuple à la manière dont il traite ses animaux » a dit Gandhi. Je viens de retrouver une dissertation écrite par ma fille quand elle avait 16 ans, en classe de seconde. J’aimerais vous la partager. C’était il y a dix ans, les pratiques n’ont guère changé depuis mais les prises de conscience ont progressé… On changera.
Sujet : le monde contemporain offre de nombreux exemples d’intolérance ou de barbarie humaine. Choisissez une manifestation précise de cette intolérance ou barbarie et dénoncez-la dans un discours que prononcerait aujourd’hui un député devant l’Assemblée nationale. Vous utiliserez de préférence le registre ironique.
Dissertation : « Mesdames, Messieurs les députés, en tant que membre d’un parti de tradition humaniste, j’ai le devoir de vous alerter sur un problème qui me tient particulièrement à coeur : le martyr quotidien que nous faisons subir aux animaux. Comment pouvons-nous faire preuve d’une telle barbarie ? Par inconscience ou par ignorance je suppose.
Pour commencer, j’aimerais parler de la vivisection et de tous les tests effectués sur les animaux en général. Le gouvernement, très présent et très actif dans la protection des animaux, pénalise l’empoisonnement d’un animal par produit chimique (code pénal L521-1) mais pourquoi l’autoriser et récompenser les auteurs de ces actes en laboratoires ? Ce ne sont pas les mêmes conditions, bien évidemment, me direz-vous, les animaux sont certainement mieux traités en laboratoires et puis, après tout, heureusement qu’ils attrapent toutes ces maladies inimaginables, ça nous évitera de subir le même sort qu’eux ! Je pense que les animaux sont ravis qu’on leur retire le foie, pour des expériences bien sûr. Et pour le bon fonctionnement de nos tests, cela peut bien se passer sans anesthésie : après tout, après quelques gémissements, ils seront ravis d’avoir pu nous aider, c’est leur rôle quand même !
Enfin, je ne parle pas de votre petit compagnon, bien sûr, ce serait atroce ! Je parle de ces chiens écartelés sur une table d’opération, le ventre ouvert avec des tas de tuyaux qui en sortent, qui, dans les mouvements de torsion, s’arrachant la peau et les chairs, essaient tant bien sue mal de se libérer et, comme pour nous supplier d’arrêter cette torture, laissant entendre de faibles et très lents gémissements, une sourde plainte qui restera dans la mémoire des tortionnaires, comme pour les hanter après la mort du chien. Bon, et puis si on l’anesthésie, on risque de moins voir la nouvelle substance recherchée et de fausser les résultats de l’étude.
Non mais vous vous rendez compte de ce qu’on leur fait subir ! Est-ce que cet animal mérite toute cette souffrance ? Ce lapin à qui on a fracassé la tête contre un mur, est-ce qu’il avait fait quelque chose de mal ? Ce rat qui crie car on lui enfonce la pipette de prélèvement dans l’oeil, a-t-il mérité ça ? Je vous le demande sincèrement car je ne comprends pas.
Une substance testée « consomme » à elle seule une dizaine, voire une vingtaine de chiens et des centaine de rongeurs avant d’obtenir un résultat satisfaisant. Il vous suffit d’imaginer le nombre de domaines dans lesquels « on cherche » pour vous rendre compte de la « consommation » d’animaux et donc de leur torture. Mais bon, le jeu en vaut la chandelle… Combien croyez-vous que rapporte la vente d’un nouveau médicament ? Elevages, commerces, tous veulent faire partie de ce juteux marché de la vivisection. Ces souris, ces rats et ces chiens ne sont plus que du vulgaire matériel de laboratoire destiné à être utilisé par les humains… Tous ces exemples ne sont que des tortures parmi tant d’autres, plus atroces et cyniques les unes que les autres.
Si on y réfléchit bien, ne pensez-vous pas que c’est à partir de réflexions comme « Oh ce ne sont que des animaux » qu’on laisse se produire des drames comme la Shoa quand certains disent « Oh ce ne sont que des Juifs » ? Tous les êtres vivants méritent le respect, ce n’est pas parce que c’est un animal qu’on doit se servir de lui comme d’une chose et ce n’est pas non plus un jouet avec lequel on peut faire toutes sortes d’expériences. Les entreprises ont bien d’autres solutions pour tester leurs produits… Mais bon, torturer des animaux, c’est tellement mieux !
Je voudrais également vous faire part des conditions de vie des animaux destinés à l’alimentation. Beaucoup d’entre nous sommes au courant des pratiques comme qui dirait barbares des humains pour élever, transporter puis tuer ces pauvres animaux. On a tous déjà vu un camion transportant veaux, vaches, cochons, moutons… Et oui, ils se tiennent chaud, ils se tiennent compagnie avant une mort tragique, c’est charmant. Mais croyez-vous que c’est par plaisir qu’ils se marchent dessus, qu’ils se piétinent ? Ces moutons qui sont allongés, croyez-vous qu’ils font juste un petit somme ? Je ne crois pas, non…
Les transports des animaux jusqu’à l’abattoir sont abominables. Beaucoup d’entre eux sont blessés, tués, morts de soif ou de faim. Certains sont allongés par terre, piétinés par les autres. Il est même arrivé que leurs intestins leur sortent du ventre tellement ils sont écrasés ! Croyez-vous vraiment que ce sont là des manières décentes de traiter un animal ? Tout ça pour quoi ? Pour le rendement, oh qu’est-ce que l’on ne ferait pas pour l’argent ! Je me le demande vu que l’on est capable de torturer de pauvres animaux pour quelques pièces de plus… Qu’est-ce que les hommes vont bien pouvoir inventer pour gagner encore et toujours plus d’argent ? Eh bien, ça y est, cela a commencé. On a maintenant modifié des espèces : des vaches à lait se retrouvent avec des pis qui touchent presque le sol, des animaux sont génétiquement modifiés pour qu’ils soient plus ou moins tendres ou encore plus ou moins gras. Des traditions font que l’on engraisse les oies, de manière abominable, afin que l’on prenne plaisir à manger ce bon foie gras à Noël.
Il faut former et informer les professionnels afin d’éviter toute cette torture et ces carnages.
Pour toutes ces raisons, je vous en conjure, votez pour la loi José Brin. Cette loi permettra d’abolir enfin toute cette barbarie, afin de vivre dans un monde respect de tous les êtres vivants ».
Les députés, comme surpris et choqués du discours qu’ils viennent d’entendre, restent muets et pensifs. Puis viennent de longs applaudissements.
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A 16 ans ? Bravo!