Geneviève Lebouteux

Penser autrement

Lettre envoyée à Télérama, décembre 2006 –

Bravo pour l’article « Où sont les penseurs verts ? ». J’espère qu’il marquera une étape importante dans les prises de consciences en cours.

Daniel Quinn, philosophe écologiste américain a écrit que nous, les humains, croyons toujours, profondément, que nous « appartenons à un ordre de l’existant qui est séparé du reste du monde vivant ». Nous sommes persuadés que la nature est faite pour nous servir et que nous sommes sur terre pour la dominer, la vaincre. Cette croyance ancestrale imprègne l’Occident. Il faut dire qu’elle nous a été transmise de longue date et qu’elle a été renforcée par les différentes révolutions culturelles que l’Occident a traversées : Renaissance, Siècle des Lumières, société industrielle et, depuis peu, règne de la Marchandise, porté par l’ultra libéralisme.

Cette croyance d’une séparation entre les hommes et la nature explique nombre de nos attitudes passées et présentes. Elle est ni plus ni moins responsable des désastres que nous avons créés et continuons de créer sur Terre. Sous son apparence insignifiante, elle est extrêmement dangereuse. Elle participe à la destruction massive et quotidienne du vivant et nous tuera si nous ne nous en débarrassons pas.

Autres croyances destructrices plus récentes : celles de la soumission inévitable du social et du politique à l’économique et celle du dogme de la croissance économique !

La tâche des intellectuels (et de nous tous !) n’est certes pas simple : remettre en question des croyances fondamentales, adopter une attitude d’humilité pour reconnaître que nous avons fait collectivement fausse route, sortir de la soumission à l’économisme dominant, penser autrement… En même temps, cette démarche peut être tout à fait enthousiasmante : il s’agit pour nous de créer un tout autre mode de vie, en recherchant le respect et le bien être durable de tous les êtres vivants. Nous sommes interdépendants.