Projet d’aéroport et bien commun

article paru dans Ouest France, en 2003, après le Débat public –

Projet d’aéroport : au delà des intérêts individuels, deux conceptions du bien commun

Après les quatre séances du Débat public sur le projet d’un nouvel aéroport dans l’Ouest, je constate l’opposition de deux types d’intérêts individuels, tout à fait compréhensibles et respectables.

D’un côté, ceux qui voulaient que leurs affaires progressent, que leurs entreprises continuent à faire des profits avec plus de transport dans tous les sens, avec des projets dans les travaux publics, l’immobilier, etc. Ces hommes et femmes d’affaires, animés par la CCI, sont partisans de la création d’un nouvel aéroport. C’est leur intérêt. Encore que, petite parenthèse, les entreprises de BTP régionales trouveront beaucoup plus à s’employer avec la remise à niveau des aéroports locaux existants que par un énorme chantier qui leur échappera.

De l’autre côté, ceux qui habitent les communes concernées par le projet de nouvel aéroport et qui, légitimement, ne veulent pas d’un équipement qui détruirait irrémédiablement la qualité de vie qu’ils se sont choisie. A leur côté, les agriculteurs qui, en outre, perdraient également leur exploitation. Dans tous les projets d’aménagement, que ce soit le tracé d’une route, d’une voie TGV, la création d’un terrain pour les nomades, les personnes concernées localement par le projet le rejettent et c’est compréhensible. Pourtant, une collectivité doit aussi faire des choix pour le bien commun et il faut trancher.

Où est le bien commun dans le cas qui nous préoccupe ? Sur ce plan, on a entendu également deux positions bien distinctes.

D’un côté, ceux qui ne jurent que par la « croissance », fut-elle à court terme : on produit de l’activité économique de toutes les façons : en construisant, en détruisant, en réparant. Peu importe ce que l’on choisit de faire, pourvu que le marché existe, que de l’argent s’échange, que les hommes et les marchandises se déplacent de plus en plus, qu’un territoire grossisse. Tout cela produit de « l’activité », disons plutôt de l’agitation, considérée comme utile pour le « développement économique ». On refuse de voir les pollutions et les dégâts sociaux et humains induits. C’est cette façon de voir qui a prévalu ces dernières décennies et qui prévaut encore dans nos économies de marché. Elle trouve toujours des partisans, en particulier chez certains élus, du fait d’un chantage à l’emploi et donc aux revenus. Or, globalement, il faut savoir que cette logique économique détruit beaucoup plus d’emplois qu’elle n’en crée du fait de la compétition et de la concentration.

De l’autre côté, on trouve ceux qui ont compris que le développement d’une activité économique à tout va porte de très graves préjudices à notre environnement, à l’ensemble du monde vivant et, à terme, à l’espèce humaine elle-même. Ceux-là parlent de développement durable, de principe de précaution. La situation désormais catastrophique dans laquelle se trouve la planète est la conséquence directe des activités humaines. De ce point de vue, le bien commun est d’abord ce qui ne détruit pas davantage notre environnement et ce qui va contribuer à ce que la vie sur Terre soit encore possible dans les siècles à venir. Dans cette nouvelle logique, il devient d’ailleurs urgent et nécessaire de concevoir un autre modèle de société avec un autre mode de répartition des revenus, déconnecté de l’emploi, au moins en partie.

Nous vivons une époque charnière où les catastrophes écologiques en série poussent de plus en plus de personnes à modifier leur façon de voir les choses. Désormais, les discours visant à placer le respect de l’homme et de la nature au cœur de nos préoccupations économiques et politiques s’entendent de plus en plus, même au sein du gouvernement. Les mentalités évoluent et il est temps. Toutefois, ce ne sont pas les discours qui changeront quoi que ce soit à la vie que nous menons et à l’avenir que nous construisons, ce sont les actes. Aussi, j’interpelle les responsables politiques et, en particulier, notre Président, M. Chirac et notre Ministre de l’écologie et du développement durable, Mme Bachelot, qui sont venus récemment à Nantes présenter le projet gouvernemental d’une Charte de l’environnement. Je les invite à poser des actes forts et courageux, symbolisant leur nouvelle façon de considérer le bien commun : choisissez de ne pas construire un nouvel aéroport dans l’Ouest ! Parce qu’objectivement, d’autres solutions existent, plus respectueuses de notre environnement et de notre avenir, notamment celle d’un fonctionnement en réseau des aéroports déjà existants dans l’Ouest.

Article présent dans la rubrique Ce qui me tarabuste, Engagements, Le dysfonctionnement de l'économie, Notre Dame des Landes.
 
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2 commentaires

  1. Christophe :

    Je pensais (jusqu’à ce que je vois « Notre Président Chirac ») que cet article venait d’être écris ! Comme quoi 8 ans après déjà, il est encore bien dans l’actualité !

    Christophe

    Le 19 septembre 2011
  2. Geneviève :

    On a parfois l’impression de faire du sur place et pourtant, des choses bougent, notamment dans les prises de conscience de la faillite du système actuel, dont ce projet est si emblématique !

    Le 25 septembre 2011

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