Soutien aux Palestiniens : la parole d’un sage
Je diffuse avec émotion et reconnaissance cette lettre ouverte d’un militant engagé aux côté des Palestiniens, en réaction au mépris affiché par Nicolas Sarkozy récemment.
Lettre ouverte de Jean Roy à Nicolas Sarkozy
Monsieur,
Vous avez déclaré, lors d’un meeting troublé par les partisans du boycott de l’état d’Israël, dont je suis, « Ils ne représentent rien, ils ne sont rien. » (ici)
Je me permets simplement, en tant qu’aîné (je viens d’avoir 73 ans) ayant derrière lui une longue expérience de luttes internationales diverses pour la liberté et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, de vous faire part de quelques réflexions qui me sont venues. Laissez-moi d’abord vous dire que la grimace de mépris que vous avez eue ne vous a pas avantagé le physique, mais ceci n’est qu’un détail. Il y a certaines personnes dont c’est un honneur de subir le mépris.
Nous donnons peut-être l’impression que nous ne représentons pas grand-chose et que nous ne sommes pas grand-chose. Mais nous sommes tellement habitués à entendre ce genre de réflexion jetée à la hâte et bien imprudemment ! Pour ma part, je l’ai entendue lorsque, tout jeune, je participais à la dénonciation de la torture en Algérie et à la lutte pour l’indépendance de ce pays. Et il est vrai que le premier novembre 1954, les quelques algériens qui ont déclenché la révolte ne représentaient et n’étaient pas grand-chose. Comme probablement les résistants français de 1940 aux yeux des vichystes et de la milice. Puis, nous n’étions pas grand-chose aux yeux des dictateurs sud-américains, les Pinochet, Videla et autres. Pas grand-chose non plus quand nous dénoncions la guerre américaine au Vietnam ou la dictature de Franco et Salazar en Europe. Grossières erreurs dans lesquelles vous vous précipitez à votre tour tête baissée.
Voyez-vous, il y a deux choses que vous ignorez. Chacune et chacun de nous ne pèse pas lourd, ne représente guère plus qu’une goutte d’eau, mais nous, les « gens d’en bas », les « pèse peu » nous sommes des centaines de millions de par le monde, conscients très fortement de notre solidarité dans la lutte, sans l’arrogance et la mégalomanie qui aveugle si souvent les puissants dont vous vous targuez d’être. Notre solidarité est profonde, discrète, bien loin des hurlements de foules hystériques devant des sauveurs ou hommes providentiels dont l’histoire nous a montré où ils conduisaient en général les peuples qui avaient eu l’imprudence de leur faire confiance. Lors des manifestations de soutien aux Palestiniens devant l’agression de Gaza, nous étions des dizaines de milliers au Japon, en Malaisie, en Afrique, en Grande-Bretagne, aux USA… Il existe une organisation internationale de petits agriculteurs qui regroupe près de 250 millions d’entre eux. Nous pouvons créer des fleuves puissants qui, comme récemment au Burkina, emportent des dictateurs pourtant bien assis. En général d’ailleurs ceux-ci n’ont rien vu venir du haut de leurs palais.
L’autre chose que vous ignorez, c’est que notre patience est infinie. Nous ne sommes pas des agités. Nous ne nous précipitons pas dans l’excitation spectaculaire. C’est que, voyez-vous, là aussi l’histoire montre que le vent finit toujours par tourner pour nous amener à plus d’humanité, même après les périodes les plus sombres, les plus barbares, comme celles vers lesquelles nous semblons nous diriger à nouveau en Europe.
Alors, laissez-nous sourire comme on le fait devant la petite fille qui a chaussé les chaussures de sa mère ou le garçon qui met les gants de boxe de son père pour affirmer « mais je suis revenu ». Parce que, voyez-vous et cela me servira de conclusion, en plus d’être nombreux, patients infiniment et vainqueurs à la fin, comme le sera le peuple palestinien, n’en doutez pas, magnifique de résistance, nous, qui connaissons parfois le chômage, la précarité, l’humiliation, nous qui pesons si peu, nous savons la fragilité de la vie humaine. Les puissants se croient éternels. Regardez Mr Marjerie, à la tête d’un grand empire économique, pour qui les populations des pays colonisés économiquement, les salariés, les écologistes ne représentaient probablement pas grand-chose et n’étaient probablement pas grand-chose. Il a suffi un jour qu’un de ces moins que rien se trouve aux commandes de sa machine au mauvais endroit pour que la vie de ce monsieur s’arrête et son pouvoir avec elle.
Vous qui soutenez Israël, (qui se déclare état juif), même dans ses pires actions, souvenez-vous des paroles de la bible :
« L’homme ! ses jours sont comme l’herbe, Il fleurit comme la fleur des champs. Lorsqu’un vent passe sur elle, elle n’est plus, Et le lieu qu’elle occupait ne la reconnaît plus. »
Nous, notre capacité de lutte ne disparaît pas avec nous car nous nous savons gouttes d’eau dans une lutte qui a commencé avant nous et se poursuivra très longtemps après nous et qui se mène sur toute la planète où nos maîtres et leurs valets nous sont communs. Je pense que le nom de Spartacus par exemple restera plus longtemps dans l’histoire que celui de nombre d’hommes politiques actuels.
A bientôt, n’en doutez pas, vous nous retrouverez souvent sur votre chemin.
Jean Roy
Militant international (bien loin de l’ultra gauchisme dont on voudrait nous cataloguer)
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