Qu’est-ce qui se joue aujourd’hui à Notre Dame des Landes ?

Aujourd’hui, 3 mois après l’abandon du projet d’aéroport et en ce jour d’intervention policière sur la zad pour expulser « une centaine de personnes » (sur les 200 ou 300 qui y vivent), la situation est confuse, les positionnements aussi. Je suis moi même dans le trouble et j’essaie d’y voir clair.

Les positions extrêmes sont assez faciles à identifier mais le rôle qu’elles jouent l’est déjà moins.

Du côté de ceux qui veulent « vider la zad » on trouve un certain nombre de « revanchards » qui n’ont pas digéré l’abandon du projet d’aéroport et qui demandent des « compensations »  au gouvernement… « vider la zad » en fait partie. Sans faire de détails.

Du côté de ceux qui veulent rester à tout prix, certains souhaitent rester pour rester, garder une zone de non droit, pour certains par idéal politique, pour d’autres pour continuer à mener des trafics.

Entre ces deux positions, la très grande majorité de ceux qui se sentent concernés par l’avenir de cette zone, y compris semble-t-il parmi ceux qui y vivent, ont le souhait de parvenir à une situation légalisée (avec le temps qu’il faut) dans laquelle tous ceux qui ont développé des activités sur place ou portent des projets compatibles avec une agriculture respectueuse de la zone (80 % de zones humides !) puissent rester, dans laquelle l’innovation sociétale de ce qui s’est créé sur la zad au fil des années puisse se maintenir le plus possible : nous avons besoin d’innovations de ce type face à l’effondrement de notre société qui se profile dangereusement.

Une première complication/incompréhension vient du fait que pour arriver à cet objectif largement souhaité, deux points de vue divergent : un certain nombre de personnes (dont la majorité des occupants) exigent une gestion collective des terres par les organisations issues du mouvement d’opposition à l’aéroport, à l’image de ce qui s’est fait au Larzac après l’abandon du projet d’extension de camp militaire (où l’Etat est toujours propriétaire des terres et où leur gestion est déléguée à une association de paysans issue de la lutte). Ils ont adressé à la préfète, 3 jours avant l’intervention policière, un projet de Convention d’Occupation Précaire collective qui va dans ce sens. Les autres, dont je suis, partageaient cette demande initiale mais ont pris acte du refus du gouvernement de garder les terres (il veut les vendre) et de sa proposition de Conventions d’Occupations Précaires individuelles  et estiment qu’il est possible ainsi de maintenir un bon nombre d’activités, avec l’espoir que la dynamique collective subsiste au moins en partie.

Une négociation est en cours. Alors pourquoi ça barde aujourd’hui ? 1) parce que le gouvernement veut montrer « ses gros bras » et estime que c’est bon pour son image, globalement ; 2) parce que la proposition de COP individuelles est majoritairement rejetée par les occupants ; 3) parce que certains extrémistes dont j’ai parlé plus haut mettent de l’huile sur le feu et préfèrent l’affrontement violent ; dernièrement, ils ont réinstallé des barricades sur la route qui avait été rouverte à la population suite à l’arrêt du projet, donnant ainsi un argument « béton » à la police pour intervenir.

Il y a depuis longtemps sur la zad des lieux qui suscitent une grande adhésion de la population et d’autres avec lesquels les relations sont difficiles et pénibles (on l’a constaté par exemple lors de la création des sentiers de randonnée sur la zad). La préfecture a annoncé une opération d’évacuation ciblée (elle détient apparemment des informations très précises sur la zad (!) mais ne donne pas ses critères). J’espère que cette opération sera faite avec le maximum de discernement et  qu’un chemin raisonnable sera rapidement trouvé pour maintenir les expérimentations qui se vivent ici dans le respect des lieux et des personnes, elles sont utiles à tous.

Article présent dans la rubrique Engagements, Notre Dame des Landes.
 
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2 commentaires

  1. Yves :

    Bonjour Geneviève,

    J’ai lu avec intérêt ton article. Tu dis avoir pris acte de la demande du gouvernement de ne vouloir signer que des COP individuelles. Pourtant la zad ne peut continuer à exister que dans un cadre collectif. Comment penses tu pouvoir concilier ces deux positions?

    amicalement, Yves

    Le 16 avril 2018
  2. Geneviève :

    Merci Yves pour ton mot. Déclarations de COP individuelles et projet collectif ne sont pas incompatibles. C’est une étape. C’est d’ailleurs ce qui s’est fait au Larzac : les agriculteurs ont d’abord bénéficié de COP individuelles pendant 2 ou 3 ans et cela a débouché sur un projet collectif. Il ne faut pas se méprendre sur le terme « individuel » : les projets déposés peuvent être de type groupés type GAEC mais il faut donner les noms des personnes concernées.
    Benoît Biteau, paysan résistant de Poitou Charente, a publié sur Facebook des commentaires intéressants sur ce qui se joue aujourd’hui à NDL. Voici un extrait de ce qu’il a écrit le 9 avril :
    « Les terres occupées sont des propriétés publiques et répondent donc à des règles publiques.
    À l’instar de l’expérience du Larzac, il est possible d’imaginer les termes de l’occupation légale, intelligente et définitive de cet espace public.
    Mais pour se faire encore faut-il se montrer un minimum constructif.
    Accepter des dispositions transitoires imparfaites pour pouvoir aboutir à une solution finale acceptable.
    Refuser par exemple de signer une Convention d’Occupation Précaire à titre individuel au motif qu’ils veulent aboutir à un projet collectif est juste incohérent.
    Une COP ne peut s’installer dans la durée, mais installe une priorité d’attribution définitive au signataire au moment de l’attribution définitive, ou à toute autre personne physique ou morale s’y substituant. Ce qui veut dire qu’en refusant cette solution laissant le temps de bâtir un projet collectif innovant et cohérent, au motif qu’ils refusent de signer individuellement cette COP, ils se sabordent, se mettent hors la loi et déclenchent donc le principe d’une expulsion même si, j’insiste, je la trouve prématurée.
    Rassurez-vous, je ne suis pas devenu réactionnaire, loin de là, et je soutiendrais certainement encore de nombreux combats.
    Je regrette juste que de belles réalisations comme le site des «100 noms» soit sabordé par des jusqu’au boutistes, qui ont besoin d’être d’éternelles victimes, de permanents contestataires quand le plus dur est fait et qu’il ne reste plus qu’à se donner le temps nécessaire avec des solutions transitoires imparfaites mais adaptées, pour finir en beauté avec un beau projet collectif innovant, dont ils se privent par excès de rejet ou de paranoïa, malgré les mains tendues.
    J’en suis à me demander si ces gens ont réellement envie de gagner jusqu’au bout les combats ? »

    Le 16 avril 2018

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