La roue détraquée du Père Noël
Cadeau ! Je vous offre cette histoire de Noël que j’ai écrite il y a longtemps : la bibliothèque près de chez moi m’avait demandé de venir raconter quelque chose aux enfants au moment de Noël.
La roue détraquée du Père Noël
Il vous est sûrement arrivé de vous demander comment faisait le Père Noël pour distribuer tous ses cadeaux en une seule nuit. Figurez-vous qu’un enfant beaucoup plus malin que les autres a découvert un jour le secret de la distribution des cadeaux de Noël. Ce très malin s’appelait Ernest.
Ernest a commencé par emprunter le télescope de son grand-père et il s’est mis à observer très attentivement le ciel toutes les nuits de décembre : il se disait que le Père Noël mettait certainement en place toute une organisation les jours ou les semaines précédentes pour que tout soit fin prêt le jour J. Il avait raison ! Jour après jour, ou plutôt nuit après nuit, Ernest a vu une gigantesque roue s’installer au dessus de son pays. Cette roue était très sophistiquée, elle tenait à la fois de la roulette et du tapis roulant que l’on trouve dans les aéroports sur lequel tournent les bagages. A partir de la mi-décembre, Ernest a vu le Père Noël procéder à des essais : la roue tournait avec des colis placés dessus, chaque colis portait le nom et l’adresse de son destinataire. Très régulièrement, une trappe s’ouvrait pour simuler la libération d’un colis. Elle se refermait aussitôt. Il y avait un nombre incroyable de trappes, chacune s’ouvrant au centième de seconde près, dès que l’adresse du destinataire du colis correspondait à l’endroit survolé. Dans cette phase d’essai, chaque colis était rattaché à la roue par un ressort et revenait ensuite se placer sur la roue mais Ernest comprenait bien que la nuit de Noël, il n’y aurait plus les ressorts. A la fin des essais, la roue pouvait tourner à une vitesse faramineuse. Une vitesse si élevée qu’on ne voyait plus rien, ni la roue ni les colis.
Il y avait là de quoi faire un scoop dans les journaux ! Avoir découvert le secret de la distribution des cadeaux du Père Noël, ce n’était pas rien ! Ernest aurait pu devenir célèbre d’un seul coup ! L’enfant y songea un moment. Mais, malin comme il était, il eut vite une autre idée : « Je vais détraquer la roue du Père Noël pour que tous les cadeaux arrivent chez moi ! »
Jamais à court d’idées, Ernest élabora un plan. Il prit d’abord sa plus belle plume et écrivit une lettre urgente au Père Noël : « Cher Père Noël, cette année pour Noël, je ne voudrais qu’un seul cadeau mais j’y tiens beaucoup, c’est un objet magique, un Boncoudou (c’est lui qui venait d’inventer le nom bien sûr) et on ne le trouve que chez Monsieur Vincent, l’épicier qui habite au bout de ma rue. J’ai été bien sage cette année. Bons baisers, bon voyage le 25, à bientôt. Signé : Ernest Globule, 7 rue des marronniers, 44000 Nantes ».
Le jour même, Ernest déposait sa lettre au Père Noël dans la boite aux lettres et un colis bien particulier chez Monsieur Vincent :
– Bonjour Monsieur Vincent, je participe à un jeu-concours et je dois vendre par votre intermédiaire ce colis. Si quelqu’un se présente à votre boutique et demande un boncoudou, pouvez-vous lui vendre ce paquet, s’il vous plait ?
– Mais oui, Ernest, si c’est pour un jeu, pas de problème, tu sais que j’aime bien jouer, moi aussi. Et à quel prix je le vends ton boncoudou ?
– Euh… Je ne sais pas, disons 30 euros, 15 pour moi et 15 pour vous, fifty-fifty ! ça vous va ?
– Et comment que ça me va mon garçon ! Tope là ! Tu iras loin dans les affaires, fiston ! répondit Monsieur Vincent en lui donnant sa main pour toper.
Ernest sortit de l’épicerie en se frottant les mains, ravi de constater que son plan prenait vraiment tournure. Sa seule inquiétude était que sa lettre arrive trop tard pour que le Père Noël puisse se procurer le paquet qu’il avait préparé. Nous étions le 20 décembre, il ne restait vraiment que très peu de temps.
Le surlendemain, Monsieur Vincent était devant son épicerie et il guettait Ernest à son retour de l’école :
– Ernest, ça a marché ! Un vieux monsieur est venu cet après midi à la boutique et il a demandé un boncoudou, il avait une lettre à la main, pour vérifier le nom je crois. J’ai voulu lui poser quelques questions sur le jeu-concours mais il est parti en bougonnant, il avait l’air très pressé.
Génial ! la première étape a réussi ! se dit Ernest.
– Merci Monsieur Vincent, c’est super !
– Tiens, voilà tes 15 euros, je garde les autres. Tu me raconteras la suite du jeu, hein fiston ?
– Oui, oui, bien sûr, mais plus tard, je dois vite rentrer à la maison. Au revoir et encore merci, Monsieur Vincent !
Mais en lui-même Ernest se disait : « c’est ça, compte là-dessus, vieux schnoque ! »
Et le garçon détala, ses 15 euros à la main. Maintenant, il n’avait plus rien à faire, juste à attendre la nuit du 25. Comme tous les enfants de son entourage… Mais pour lui, c’était tout autre chose qu’il attendait de cette nuit-là.
La nuit de Noël arriva enfin, Ernest bouillait d’impatience, ses parents n’en revenaient pas, il leur semblait qu’Ernest se comportait comme un enfant de quatre ans. Ils étaient loin de s’imaginer ce que leur enfant si malin avait mis au point !
Tout là-haut dans le ciel, la roue du Père Noël tournait à une vitesse vertigineuse, chargée de colis. Tout se passait bien, les colis étaient distribués comme chaque année. Au début, le Père Noël avait surveillé les opérations, puis, rassuré sur le bon fonctionnement du système, il commençait à s’assoupir, fatigué du lourd travail de préparation de ces dernières semaines. Il n’avait pas remarqué qu’un colis était troué, celui qui portait l’adresse d’Ernest et qu’une sorte de tenaille dépassait du colis. C’est vous dire que la deuxième étape du plan d’Ernest avait fonctionné : il avait mis une souris dans son colis « boncoudou », la souris avait grignoté l’emballage et s’était sauvée, laissant un trou dans le paquet, un ressort avait propulsé une tenaille hors du paquet…
Au moment où le boncoudou est arrivé au dessus de chez Ernest, une trappe s’est ouverte normalement pour libérer le colis mais au moment de basculer dans le vide la tenaille a agrippé le rebord de la trappe de façon à empêcher sa fermeture. Le plus délicat de l’opération de sabotage d’Ernest avait fonctionné ! C’est alors que le système du Père Noël s’est détraqué : tous les colis suivants arrivant sur la trappe ouverte sont tombés dans le vide ! En à peine cinq minutes, la maison d’Ernest a été envahie de colis, la cheminée a été bouchée, il commençait à pleuvoir des colis partout dans le jardin.
Ernest n’en revenait pas. Il avait commencé par jubiler en recevant des dizaines de cadeaux, allant de l’un à l’autre, ouvrant les paquets, s’extasiant… Mais maintenant qu’il y en avait des centaines, peut-être des milliers, il commençait à s’inquiéter de la tournure des événements. Il fonça dans son lit se cacher sous sa couette en priant pour que sa maison n’explose pas, affolé par l’ampleur de ce qu’il avait déclenché.
Quelqu’un tira sa couette. C’était le Père Noël.
– Alors mon petit gars, tu es content de tous ces cadeaux ?
– Euh, à vrai dire non, il y en a trop… Je suis désolé…
– J’ai réparé ta bêtise et remis en marche la roue. Mais il reste tous ces colis qui sont arrivés chez toi et qui sont destinés à d’autres. Tu sais Ernest, tu es un grand malin, mais il y a un secret bien plus grand que le fonctionnement de ma roue et celui-ci tu ne le connais pas. Je vais te le faire découvrir. Habille-toi et viens avec moi.
Quand le Père Noël parlait comme ça, il n’y avait pas à discuter. Ernest le suivit. Dans le ciel, le traîneau du Père Noël les attendait.
– On va reprendre ce bon vieux traîneau pour réparer ta bêtise. Il est bien archaïque de nos jours mais je constate ce soir que j’ai eu raison de le garder !
Ernest s’est chargé de mettre tous les colis qui ne lui était pas destinés dans le traîneau puis il s’est assis à côté du Père Noël.
– C’est toi qui remettras en mains propres les cadeaux qui sont là, à leurs destinataires. Je te demande seulement de bien regarder leurs yeux quand tu leur donnes et de faire attention à ce que tu sentiras dans ton cœur à ce moment-là.
– Oui Père Noël.
Il n’était plus temps pour Ernest de faire le malin. Il voulait vraiment obéir au Père Noël.
Ils sont passés au dessus d’un tas de maisons. A chaque fois qu’ils repéraient de la lumière indiquant des gens éveillés, Ernest descendait du traîneau et remettait le cadeau à son destinataire. Il faisait bien attention à ce qui se passait dans son cœur à chaque fois.
Petit à petit, Ernest avait un sourire de plus en plus large et des larmes de joie dans les yeux. Sur le chemin du retour, il souffla au Père Noël :
– J’ai découvert le secret dont vous parliez : donner rend très très joyeux !
– C’est vrai répondit le Père Noël, mais ce n’est pas tout à fait le secret. En fait, tu ne vas peut-être pas comprendre ce que je vais te dire mais ce n’est pas grave, tu t’en souviendras quand même. Voilà le secret : quand tu donnes, c’est toujours à toi-même que tu donnes.
– Merci dit tout simplement Ernest.
Depuis cette aventure, Ernest a grandi, il est toujours aussi malin mais il connaît désormais ce très grand secret et il cherche à le partager le plus possible. Il est devenu un jeune homme qui travaille d’arrache-pied ses cours d’économie : il a le projet de construire un nouveau système économique. Un système basé sur le don. Pour que nous soyons tous très très heureux. Malin comme il est, gageons qu’il va y arriver !
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