Stress, bonheur, sens, etc.
Je recopie l’interview de Thierry Jansen, publié par Psychologies d’octobre 2011. Tout un programme !
Psychologies : Pourquoi nous sentons-nous stressés de façon permanente ?
Thierry Janssen : Nous avons construit notre société sur un mode hédoniste et matérialiste qui nous fait confondre bonheur avec jouissance et confort. Du coup, nous faisons tout pour éviter l’inconfort. Nous produisons et nous consommons beaucoup pour nous protéger, nous divertir et nous apaiser. Cela nous oblige à vivre dans une tension continue. D’autant plus qu’il existe un phénomène que l’on appelle l’«adaptation hédonique», en vertu duquel nous ne sommes jamais suffisamment rassasiés. Le cercle est vicieux. Habitués au confort, nous supportons de moins en moins les contrariétés. Nous nous croyons tout-puissants et nous sommes prêts à tout pour l’être. Le prix que nous payons est ce stress chronique que nous éprouvons.
Il n’empêche, nous sommes tout de même confrontés à de nombreuses situations très stressantes…
C’est un fait. Mais ce n’est pas une fatalité. La première chose à faire est de nous demander si les contraintes qui nous sont imposées répondent à des besoins véritablement essentiels. Si nous sommes honnêtes avec nous-mêmes, nous constatons que nous nous imposons souvent de vivre des stress inutiles. Lorsque cela n’est pas le cas, dans certaines situations réellement difficiles, nous avons toujours la liberté de nous interroger sur le sens que nous allons donner à cette difficulté. Épreuve stérile ou, au contraire, occasion d’apprendre quelque chose, de grandir et d’évoluer ? C’est ce que nous enseignent les récents travaux de la psychologie positive, une discipline qui étudie les conditions de notre bien-être et de notre épanouissement.
Comment être capables de ce recul lorsque nous sommes envahis par les émotions négatives qui accompagnent le stress ?
Une psychologue américaine, Barbara Fredrickson, a démontré comment les émotions «négatives » comme la peur, l’anxiété ou la colère – je préfère les qualifier de « désagréables » – jouent un rôle fondamental dans notre survie face aux événements stressants, en permettant d’y apporter des réponses immédiates.
Cependant, la mise en tension de l’organisme qui accompagne ces émotions ne doit pas durer trop longtemps. Car, lorsque le stress perdure, le corps s’épuise, les défenses immunitaires s’amenuisent, et nous tombons malades. Heureusement, nous avons tous la possibilité de prendre du recul et de relativiser les situations stressantes en vue de générer des émotions positives comme la joie ou l’enthousiasme.
Barbara Fredrickson a montré qu’elles mettent l’imagination en route et aident à trouver des solutions pour le long terme. De plus, elles nous rendent sympathiques aux yeux des autres, ce qui est très précieux pour obtenir de l’aide en cas de coups durs, face à d’autres situations stressantes.
Les émotions positives aideraient donc à contrer les effets du stress à long terme ?
Oui, elles permettent d’échapper au stress chronique. Nous avons tout intérêt à cultiver ces émotions agréables.
Comment les cultiver ?
Martin Seligman, l’un des pionniers de la psychologie positive, a identifié trois grands moyens auxquels recourent la plupart d’entre nous pour accroître leurs émotions agréables et améliorer leur niveau de satisfaction. Il s’agit d’abord d’apprendre à savourer le plaisir : ralentir nos activités, ne pas nous laisser tenter par les nombreuses sollicitations futiles auxquelles nous sommes soumis, prendre le temps de goûter pleinement la joie d’avoir obtenu ce que nous avons désiré, nous satisfaire de nos choix, arrêter de vouloir toujours plus, simplifier notre vie, aller à l’essentiel.
Ce n’est pas si simple…
En effet. C’est pourtant la première condition de ce que Seligman appelle le « bonheur authentique ». La deuxième grande voie consiste à s’engager pleinement dans des expériences enrichissantes pour connaître ce que Mihaly Csikszentmihalyi appelle une « expérience optimale de flux ».
Nous sommes alors totalement absorbés par notre activité en prenant un immense plaisir à nous y adonner. Encore faut-il parvenir à ne pas nous laisser distraire par les innombrables sollicitations, qui, bien souvent, nous empêchent de nous concentrer sur l’instant présent, et nous motiver pour l’action en elle-même, sans devoir répondre à un impératif de rentabilité ou de performance.
Personnellement, je rencontre ce plaisir lorsque je danse, dessine ou pratique le chi gong.
Apaiser son stress consiste donc à faire entrer du plaisir dans nos vies ?
Pas seulement. La troisième voie de satisfaction est sans doute la plus importante : il nous faut donner du sens. Nous sommes dirigés par deux grands besoins : le plaisir, qui nous motive pour effectuer une série de tâches vitales comme manger, nous reproduire ou travailler, et le sens, qui nous permet d’échapper au sentiment d’absurdité face au chaos de l’existence. Attribuer un sens à nos expériences permet d’avoir l’impression de contrôler le cours des événements, cela nous protège du sentiment d’impuissance, qui est particulièrement stressant.
Il nous serait impossible de vivre sans donner une direction et une signification à notre vie.
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