Ce que les Mélanésiens nous apprennent sur le capitalisme

Pourquoi sommes nous égoïstes et intéressés ? A cause de structures de parenté qui nous placent toujours en demande d’affection. C’est la conviction que l’anthropologue québécois Pierre Maranda a retirée de son étude sur  l’ethnie Lau (prononcer Lâo) de Mélanésie.

J’ai gardé précieusement cet article d’un Courrier international de mai 1997 car il a été (et reste) pour moi un élément fondamental de réponse à la fameuse question du « Pourquoi on en est arrivé là ? ». Maranda nous donne une partie de la réponse, partie qui s’accorde d’ailleurs tout à fait avec les autres que j’ai déjà trouvées (voir la rubrique Comment on en est arrivé là).

Chez les Lau, les enfants ont plusieurs mères et plusieurs pères. Les distinctions entre frères et cousins n’existent pas car ils sont tous en quelque sorte frères et soeurs. « Si un père ou une mère n’aime pas un enfant, il y en a d’autres qui ont de l’amour à revendre pour lui. » L’anthropologue pointe l’Occident et souligne un paradoxe : pourquoi nous qui privilégions l’esprit sur la matière, la culture sur la nature, sommes-nous empêtrés dans un système où l’on confond la parentalité biologique et la parentalité sociale ? La culture et la structure familiale judéo-chrétienne forcent les parents à élever leurs enfants avec une menace épouvantable du retrait d’affection : « Si tu fais ça, tu vas faire de la peine à Papa… »

Maranda cite Freud et le complexe de Moïse, l’enfant abandonné. Dans cette culture, fleurira le capitalisme : « Sa peur d’être tout seul fait qu’il deviendra accapareur, mesquin. Il deviendra capitaliste, somme toute, parce qu’il aura besoin de s’accrocher à des possessions, à l’Avoir, étant donné que son Etre est menacé. Il voudra acheter l’affection, deviendra exclusif, jaloux, méfiant face aux autres. » Il ajoute : « Notre système de parenté est extrêmement dévastateur pour la vie émotive de tous ! »

Les Lau semblent se méfier du don car il met l’autre personne sous tutelle, elle se sent redevable, obligée. Dans certains de leurs rituels , ils détruisent tout ce qu’ils pourraient donner, pratiquant ainsi « le désarmement total ». « La personne se met ainsi totalement à nu, dépouillée, devant vous. Alors, vous pouvez en faire ce que vous voulez : elle n’a plus les moyens d’acheter votre affection« .

Un peuple qui n’avait jamais vu d’homme blanc jusqu’en 1966, date à laquelle Pierre Miranda est arrivé. « Je n’ai jamais rencontré des gens aussi chaleureux. J’ai des amis extraordinaires là-bas. Si doux, si ouverts d’esprit. D’une gentillesse et d’une bonté  incroyables. Ils sont toujours totalement pour vous, avec vous, au lieu d’être un peu sur la réserve. C’est à coeur ouvert, à bras ouverts qu’ils vous accueillent« .

Mes moralités : 1) Rousseau avait raison, quelque part ; 2) le travail sur nous mêmes et sur la prise de distance par rapport aux fonctionnements de l’ego (voir article Nouvelle Terre) porte des fruits ; 3) l’éducation des enfants est très importante ! Et comme dit mon ami Abdessamad Bennani :  » Des jeunes non rabaissés sont des jeunes bien élevés. « 

Article présent dans la rubrique Ce qui me tarabuste, Comment on en est arrivé là.
 
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1 commentaire

  1. Renée :

    L’abandon est un acte d’amour, et il fait traverser les mers pour
    trouver la Grande Mer : l’abandon de l’égo.

    Le 3 février 2012

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