L’école, source de violence

L’école n’est pas seulement le réceptacle de la violence de notre société. L’école crée elle-même la violence. Cet autre aspect de l’effondrement de notre système scolaire m’a été révélé il y a quelques années par l’analyse de ce professeur de mathématiques en collège, Michel Segal. Sa conférence de novembre 2009, « L’élève Mohamed est-il coupable ? » est le récit précis, humain, honnête, du parcours de quatre de ses élèves, entre la 6e et la 3e. Un récit remarquable que je vous invite à écouter (30 minutes) et/ou à lire. Le récit d’une destruction programmée de quatre adolescents aux profils bien différents.

Cela fait des années que ce genre de constats sont dressés. Les victimes de ces violences sont les élèves, les profs, le personnel administratif, les familles… Ces violences institutionnelles créent de la violence mais encore bien davantage de l’échec scolaire, de la passivité, de la mésestime de soi et de la société… Elles tracent un chemin vers la barbarie.

Le 13 octobre 1999, Télérama publiait un article « Les jeunes profs à rude école« . A l’époque, j’avais été indignée de découvrir que le Ministère de l’éducation était au courant et laissait son personnel et les jeunes dont il a la charge vivre des situations si affreuses. Rien n’a changé semble-t-il. On continue de déplorer les maladies et dépressions des professeurs et les « décrochages » de jeunes qui quittent « Le Système » sans diplôme… On monte d’ailleurs des rustines-« usines à gaz » administratives pour tenter de retrouver ces décrocheurs et les aider…

Le 11 février 2000, Le Point publiait « Pourquoi l’école n’est pas faite pour vos enfants » : « Bizarrement, le principal problème de l’école aujourd’hui, ce n’est pas la violence. De l’avis même des enseignants, c’est l’inaptitude et la passivité des enfants. Le responsable de cet échec ? Un système éducatif fermé sur lui-même et dont le héros n’est pas l’enfant mais le respect des dogmes, des habitudes et du corporatisme. »

Michel Segal a écrit deux livres, « Autopsie de l’école républicaine » et « Violences scolaires, responsables et coupables« . Je ne les ai pas lus, ils doivent être intéressants. Il a un site internet.

Je ne peux m’empêcher de relier ce bilan à l’analyse d’Hervé Kempf sur les moyens utilisés par l’oligarchie pour assoir son pouvoir… et, j’ajoute ici, sa reproduction : « Quand faute de gibier, le plaisir de la privatisation des entreprises publiques tend à s’éteindre, on procède par d’autres voies au démantèlement de l’Etat : par exemple en stimulant la concurrence privée sur de grands services publics comme la santé ou l’éducation. La méthode est simple : d’une part l’assèchement en douceur mais régulier des budgets publics et d’autre part encouragement par diverses mesures discrètes du secteur privé. » (L’oligarchie ça suffit, vive la démocratie« , p. 68). Dans le domaine de l’éducation, sont à l’oeuvre des mécanismes de destruction bien supérieurs aux simples restrictions budgétaires : en premier lieu, des méthodes dogmatiques et inefficaces.

  Dale Stephens est un jeune Américain de 20 ans qui encourage les jeunes à sortir de l’école : « J’ai d’abord abandonné l’école au 5e niveau (10-11 ans) parce que je m’ennuyais. Je voulais apprendre et les autres ne parlaient que de leur nouveau Pokemon. Quitter l’école m’a permis de vivre des expériences que je n’aurais jamais trouvées en classe : créer une bibliothèque dans ma ville, partir vivre en France, travailler dans la Silicon Valley… Après, je suis revenu au collège pendant 6 mois puis j’ai abandonné de nouveau et je suis retourné à San Francisco pour démarrer uncollege.org . » Intéressant et pas commun bien sûr. N’empêche que pour vivre ça il faut avoir reçu déjà un bon enseignement de base : savoir lire, écrire, comprendre, compter. Cela ne devrait pas être sorcier.

 

 

Article présent dans la rubrique Ce qui me tarabuste, Effondrement de l'enseignement.
 
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1 commentaire

  1. Pr S. FEYE :

    L’enseignement appartient aux familles avant tout. Elles doivent pouvoir le confier à des personnes en qui elles ont confiance et non à un État qui n’en n’est plus capable. Vouloir continuer à tout prix tient de la dictature.
    Stéphane Feye
    Schola Nova – Humanités Gréco-Latines et Artistiques
    http://www.scholanova.be
    http://www.concertschola.be
    http://www.liberte-scolaire.com/…/schola-nova

    Le 1 septembre 2013

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